Consommer Durable

Comment transformer un simple projet de parc photovoltaïque au sol en projet de développement local durable : le retour d’expérience de Claude

Claude Mur, responsable du secteur « Insertion par l’activité économique » au sein du Centre socio-culturel de Chalais et partie prenante du projet de parc photovoltaïque au sol de Bors de Montmoreau, nous fait partager son expérience.

Je suis responsable du secteur « Insertion par l’activité économique » au sein d’un centre socio-culturel. Mon public est constitué par des personnes en recherche d’emploi. Cela signifie que je dois bâtir mes actions autour de plusieurs axes :
-l’accompagnement des salariés autour de projets sociaux ou/et professionnel
-l’inscription de nos actions dans un cadre de développement territorial
-le développement des activités de notre chantier afin d’aller vers une certaine part d’autofinancement.

L’idéal est bien sûr que chaque action entreprise réponde à ces trois axes.

C’est effectivement le cas pour l’action dont nous parlons aujourd’hui (gestion de parcelles dans une centrale photovoltaïque au sol):
-certains des salariés en parcours au centre ont pour projet professionnel l’entretien des espaces verts ou une activité en agriculture,
-le développement territorial du Sud Charente passe, entre autres, par le développement durable et notamment par le développement de l’énergie solaire,
-l’entretien des parcelles sera une activité rémunérée.

Ces terres n’appartiennent pas à notre structure mais à plusieurs propriétaires qui vont les louer à Valeco, l’installateur de panneaux voltaïques.

L’accord des propriétaires est bien sûr nécessaire et a fait l’objet d’une convention.

L’installation des panneaux est une opération initialement proposée par les propriétaires des différentes parcelles. Ces propriétaires ne tiraient pas un revenu suffisamment correct de l’exploitation de ces terrains et cherchaient une solution viable.

La superficie totale de la centrale est de 30 hectares. 20 hectares seront disponibles en terres agricoles.

Le projet pourra alimenter l’équivalent de 5500 foyers (environ 17000 habitants).

Dix hectares occupés par les différentes installations et vingt hectares « disponibles » pour des pratiques agricoles (ou autres).

Ces différentes questions sont essentielles et nous en avons bien évidemment tenues compte dans l’élaboration du projet.

Il y a d’abord le thème de la concurrence d’usage des sols. Rappelons que, dans un premier temps, ces parcelles avaient une faible valeur agricole (terres sèches et pauvres). On peut même penser qu’un usage agricole non durable avait entraîné sur ces parcelles en pente une érosion et une perte en éléments nutritifs. Les contrats de location sur ce type de projets (centrale photovoltaïque) courent sur vingt ans. L’idée initiale était donc de permettre une régénération de ces sols. Dans cette optique, deux points sont à améliorer : la capacité de rétention en eau et le taux de matière organique présente dans le sol. Nous avons pensé à une technique qui combine ces deux aspects : l’emploi de BRF (Bois raméal fragmenté). Dans le cadre de nos activités de « gestion d’espaces », nous employons cette technique et certains de nos salariés ont acquis des compétences professionnelles dans ce domaine (on retrouve ainsi le « projet professionnel »mentionné plus haut).

Il n’y aura pas dans ce projet de « destruction des milieux naturels ». Tout d’abord parce que les milieux étaient déjà fortement artificialisés auparavant : une jachère broyée tous les ans pour une grosse partie des parcelles et des cultures peu productives de maïs sur le reste. Il convient ici de rappeler que dans les deux cas, des herbicides étaient largement employés pour gérer ces parcelles. Ensuite, les installations nécessaires sont prévues pour être démontables au bout de vingt ans. Tout est donc réversible.

Parc solaire de Vinon-sur-Verdon

Quant à la biodiversité, c’est bien évidemment un de nos soucis primordiaux (notre centre socio-culturel est partie prenante d’un programme régional d’excellence environnementale). Nous avons donc pensé aux points suivants : certaines des allées pourront être semées en fleurs mellifères, d’autres en légumineuses (permettant une captation de l’azote de l’air) : luzerne, trèfle… Un terrain de ce type sera en fait un sanctuaire pour la faune, et notamment pour l’entomofaune (les insectes). Nous pensons donc proposer à des apiculteurs d’installer des ruches (développement territorial). Enfin, des nichoirs à insectes (bûches percées, fagots, nichoirs à bourdon, gîtes à perce-oreille…) pourront être aménagés et profiter de l’abri naturel que constituent les panneaux.

Je pense avoir répondu précédemment sur la question de l’artificialisation des sols. En fait, elle sera minime (très peu d’emprise au sol) et provisoire (vingt ans paraissent une longue période mais sont une parenthèse à l’échelle des sols).

Les impacts sur le paysage ont fait l’objet d’une étude incluse dans l’étude d’impact générale. Je citerai seulement une des conclusions (que je confirme personnellement, étant allé à plusieurs reprise sur site): « Dans ce paysage, l’habitat est éloigné du projet et toujours hors de la vallée d’implantation […]du fait du relief, de la présence de masques visuels ou de l’éloignement. » En fait, le paysage est relativement hétérogène dans ce territoire : « La topographie conditionne en chaque point du territoire la nature des relations visuelles : un talus peut localement interdire toute échappée visuelle […] la végétation locale (haies, bosquets…) et le bâti local en font de même.  Bref…à moins de se rendre à quelques dizaines de mètres de la centrale, on ne percevra même pas sa présence.

La question de la valorisation des terres entre les rangées de panneaux amène deux réponses. Dans un premier temps, nous voulons être prestataire de l’entretien des terrains, au même titre qu’une entreprise qui serait chargée, par exemple, de tondre une pelouse ou de tailler une haie… En fonction de la convention que nous signerons à ce moment là, nous répartirons notre type d’entretien. Certaines parcelles seront dans un premier temps amendées en BRF, d’autres en compost, d’autres en BRF + compost. Ces diverses expérimentations seront suivies scientifiquement afin de définir la meilleure approche. Parallèlement, d’autres parcelles seront semées de diverses légumineuses, de fleurs prairiales… Enfin, des parcelles seront sous la responsabilité des propriétaires, qui maintiendront un broyage annuel (mais sans produit désherbant).

Dans un deuxième temps, des semis et plantations (fraises et petits framboisiers sur BRF, fèves, pommes de terre…) verront le jour. La question « que ferons nous des produits récoltés ? » n’est pour moi pas encore résolue. Je pense a priori que si nous sommes déjà rémunérés pour l’entretien, la production pourra être distribuée à des organismes type « resto du coeur ».
Dans un troisième et dernier temps, une fois que les différentes parcelles auront été amendées, j’estime que l’installation d’un agriculteur (ou d’un groupement d’agriculteurs) en bio pourra être envisagée. La contrainte posée par les rangées de panneaux pourra être contrebalancée par la qualité retrouvée des terrains.

Il existe des exemples de gestion de terres dans des centrales photovoltaïques en Allemagne. Du maraîchage est conduit dans ces intervalles.

La période de 20 ans est indéniablement un point positif pour la visibilité de ce projet.

Aucune contrepartie pour l’installation de panneaux. Nous serons rémunérés pour l’entretien des parcelles. Les contreparties sont bien sûr destinées aux propriétaires.

Je ne vais pas juger tout seul de la durabilité de ce projet. Les lecteurs de ce texte pourront juger de nos orientations et de notre démarche. J’estime qu’il ne pourra voir le jour que dans une démarche de concertation permanente : des projets annexes peuvent par exemple s’y greffer. Prenons les nichoirs à insectes. Des écoles, des CPIE…peuvent prendre en partie cette compétence. Encore un exemple : le pendant négatif du BRF peut être dans une première année la venue de limaces. Or, on sait que les principaux prédateurs de ces bestioles sont les crapauds et les hérissons. Installer des abris à hérisson dans le parc est une mesure préalable qui aura tout son sens. Des tas de branches ou de compost attireront les crapauds… Encore une gestion qui peut être confiée à un tiers opérateur…. Le maître mot de ce projet est à mon sens le développement durable et local…

A vous de juger !