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Opinion – Loi sur la Transition énergétique : un texte pragmatique et consensuel

Mercredi 31 juillet, la ministre de l’Ecologie présentait la nouvellement baptisée « loi de programmation de la transition énergétique vers la croissance verte » en Conseil des ministres. Objectif : « décarboner la France ». Résultat : le texte est critiqué comme il fallait s’y attendre, mais globalement il a réussi à concilier différentes exigences : celles des écologistes, celles des industriels et celles des Français, dont la consommation d’énergie est encore vouée à croître.

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C’était inévitable. Cette loi était attendue au tournant et il était à prévoir que  la question du nucléaire ainsi que celle des hydrocarbures suscitent de vives réactions. Les moyens avancés pour atteindre les objectifs de diminution des énergies fossiles sont insuffisants, a-t-on pu lire dans certains papiers. Aucune date n’a été évoquée pour la fermeture de Fessenheim, pouvait-on lire dans d’autres, la décision finale revenant finalement à l’électricien EDF. Les jugements ont été sévères. Mais à bien y regarder, il faut reconnaître à Ségolène Royal un talent pour l’optimisation des énergies disponibles en France au regard des besoins de ses concitoyens, de plus en plus énergivores.

Les industriels du secteur des énergies renouvelables satisfaits

La loi prévoit de réduire de 30 % les énergies fossiles d’ici 2030 tout en parvenant à 32 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. C’est un objectif ambitieux pour contrer le réchauffement climatique. Chantal Jouanno, ancienne secrétaire d’État à l’Ecologie (UDI), ainsi que Nicolas Hulot ont tous deux regretté l’absence de fiscalité écologique dans la loi : les subventions allouées aux énergies fossiles sont trop importantes quand une partie d’entre elles pourraient financer le développement des énergies renouvelables, ont-ils fait valoir.

Néanmoins, les industriels de l’énergie eux-mêmes (la Fédération française du bâtiment, la fédération France énergie éolienne et le Syndicat des énergies renouvelables) se sont dits plutôt satisfaits de la loi. Et la ministre a pris soin de les réunir la veille de la présentation de la loi pour leur faire part des solutions qu’elle comptait apporter aux problèmes qui freinent le développement de la filière. En outre, les énergies renouvelables continuent à se développer et elles dépassent même le thermique pour la première fois cette année dans le camembert de la production électrique française. Les énergies renouvelables ne sont donc pas en reste, même s’il est toujours possible de faire mieux.

Difficile de faire sans le nucléaire

Plus épineuse est la question du nucléaire. Entre l’idéal des écologistes puristes et la réalité de la consommation d’électricité en France, le Gouvernement a dû composer. Sachant que l’énergie nucléaire est une énergie qui n’émet pas de carbone en phase de production, il serait déraisonnable de l’exclure du mix énergétique dans un contexte de réchauffement climatique dont les experts du GIEC ont encore récemment souligné les sombres perspectives. Et surtout dans une société numérique comme la notre au sein de laquelle la consommation d’électricité va continuer de croître, tout comme la population.

En moyenne, un smartphone consomme plus qu’un ordinateur avançait Mark Mills, physicien et PDG de Digital Power Group dans une étude financée par l’Association nationale des mines et la Coalition américaine en 2013(1). Si ces conclusions sont à prendre avec précaution au regard de leur commanditaire, il est indéniable que l’économie du numérique est très énergivore.

Production de matériel informatique, utilisation des terminaux et des réseaux (câblés et sans fil) et fonctionnement des centres de traitement de données, activités constituantes de l’économie numérique, consomment déjà 10 % de l’électricité mondiale. Et ce chiffre est voué à doubler et même tripler d’ici 2030. La baisse des prix aidant, les foyers sont de plus en plus nombreux à s’équiper d’appareils connectés, qu’ils utilisent d’ailleurs souvent en même temps, ce qui demande encore plus d’énergie.

En France, la hausse de la consommation énergétique est de 57 % sur les 20 dernières années. Rien de moins. Et les nouveaux usages de l’électricité (informatique, smartphone ou internet) représentent 30 % de cette augmentation. Ces chiffres sont clairs. Les solutions énergétiques renouvelables ne se développeront pas à la vitesse des nouvelles habitudes de consommation, et à moins d’interdire aux citoyens français l’usage des tablettes et des ordinateurs, il faudra compter avec le nucléaire pour être en mesure d’alimenter tout le monde.

« Un mix diversifié » salué par Henri Proglio

« La filière partage la conviction que, de par son caractère décarboné et un prix compétitif, le nucléaire est un important élément de réponse aux enjeux énergétiques mondiaux et constitue, de ce fait, un composant indispensable du mix énergétique du futur », affirmait Henri Proglio qui a jugé dans une déclaration adressée à l’AFP que « Le projet de loi sur la transition est équilibré puisqu’il n’oppose pas les énergies, mais souligne leur complémentarité ». « Ce projet trace la voie vers un mix diversifié », a-t-il encore précisé.

Évidemment satisfait d’avoir préservé les intérêts économiques du secteur, Henri Proglio défend aussi la part de l’atome dans le mix énergétique d’un point de vue environnemental et budgétaire. Il « permet d’éviter 25 milliards d’euros d’importations de gaz et de pétrole » a-t-il fait valoir, alors que le montant de la facture énergétique de la France avoisine les 70 milliards d’euros.  Le géant de l’électricité participe aussi au développement des énergies renouvelables via la filiale EDF Energies renouvelables, ce qui montre bien sa volonté de marcher dans les pas du Gouvernement et de sa politique énergétique de transition.

Si la loi sur la transition énergétique élaborée par Ségolène Royal et ses collaborateurs peut connaître des améliorations, il faut se réjouir de la voir finalement présentée en Conseil des ministres alors que pas moins de 3 ministres s’y sont cassé les dents avant elle. Ce n’était pas facile de mettre sur pied un texte à la fois pragmatique et consensuel. Comptons sur les amendements parlementaires en octobre pour le parfaire à la marge et en faire un outil énergétique efficace.

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(1) http://www.energiesactu.fr/innovation/smartphone-internet-dangereuse-gourmandise-energetique-0020310