Consommer Durable

Billet malgache, (court) récit de voyage

Suite à un voyage de deux semaines à Madagascar, c’est l’occasion de partager mon ressenti sur certains aspects de la culture et des modes de vie malgache, notamment le rapport au développement durable et à la consommation.

Loin de moi l’idée de juger ces aspects avec condescendance, mais simplement l’envie de partager mon expérience et vous faire ainsi un peu voyager sur l’île rouge, étonnante de contrastes…

Madagascar est un pays très pauvre, à l’histoire politique chargée. Je ne ferait pas le récit de l’histoire du pays ou de sa politique ici, mais livrerai simplement le témoignage de quelques contrastes marquants. Il faut cependant avoir en tête que la corruption gangrène le pays, et que 5% de la population possède quasiment 90% des richesses, pendant que la plupart des autres crèvent de faim. Cela pour dire qu’il y a bien entendu des priorités autrement plus vitales que le ramassage des ordures ou l’installation de pots catalytiques sur les voitures…

Modes de transport et pollution :

La plupart des malgaches se déplacent à pieds, dans la brousse, couvrant parfois de très longues distances d’un point à un autre. Charrettes à Zébus, pousse-pousse dans certaines villes (Majunga, Antsirabe – la « capitale » du pousse-pousse : 6400 véhicules pour une ville de 200 000 âmes), et dans la capitale, de nombreuses voitures, et une circulation dense, avec son lot d’embouteillages aux heures de pointe. Les Taxis, des Renault 4l, 2CV et autres Peugeot 504 pullulent. Des autos datant des années 70, entretenues avec soin par leurs propriétaires qui les chérissent et les emmènent bien au delà de ce que l’on pourrait imaginer chez nous en France ! La récupération et le système D sont là bas élevés au rang d’art ! Les malgaches redoublent d’inventivité pour réparer… n’importe quel appareil défectueux !





les taxis : 4L, 2CV, Peugeot 504, 505...




Les voitures des particuliers sont généralement de vielles autos qui dépassent elles aussi largement leurs limites… Rares sont les malgaches qui possèdent un véhicule néanmoins. La classe aisée, comme chez nous, accède à des signes extérieurs de richesses plutôt universels : gros SUV ou berlines de luxe, Mercedes, BMW… très rares cependant.

Le transport en commun par excellence est le taxi-B, ou taxi brousse, de-plus ou moins- vieux vans ou minibus, généralement d’une quinzaine de places, mais qui partent bien souvent avec une vingtaine de passagers. On croise parfois la route d’un ancêtre de marque indienne Tata, les plus gros Taxis B de l’île.


Chargement du taxi B


Les camions, tels que ceux que l’on voit dans les anciens films des années 60, de gros Mercedes Benz, arpentent les rares routes nationales goudronnées et vallonnées, laissant derrière leur pénible ascension d’épais nuages de fumée noire…

Il y a également quelques vols internes sur l’île, pour des destinations desservies par la compagnie locale Air Madagascar.

Le réseau routier est très peu développé, aussi le contraste le plus marquant qu’il me fut donné de constater, c’était le décalage entre le mode de vie en brousse et en ville : toute distance se parcoure à pied dans la brousse, ou en taxi B pour une partie du chemin si le voyageur en a les moyens, et aussi, si le lieu à atteindre est desservi par une route quelconque. Je me souviens avoir entendu des passagers du van héler le chauffeur, et les avoir vu de mes yeux éberlués descendre du véhicule au milieu de nulle part, pas une cabane, encore moins de village à l’horizon… Où se rendaient ils ? Combien de temps allaient ils marcher ainsi ? Alors qu’en ville, la voiture est reine, la capitale notamment étant très étendue, et érigée sur 7 ou 8 collines, les moteurs sont mis à l’épreuve constamment !



Un village au coeur de la brousse



La suite page 2 !


Roots locavore spirit :

La cuisine malgache… un délice ! des produits frais récoltés et vendus quasiment sur place, partout… Légumes, fruits et céréales (carottes, courgettes, poivrons, pommes de terre, manioc, riz-la base de l’alimentation, matin, midi et soir, le jus de cuisson-l’eau qui a bouillie et bouillie à nouveau est même une boisson que l’on trouve partout-bananes plantain, mangues, papaye, ananas, bananes…), viandes (zébus, porc, poulet, agneau…et même tortue ou crocodile en certains endroits de l’île), poissons et crustacés : tout pousse là bas, cela est dû à un climat (en fait des climats -3 différents en fonction des régions) propice à la richesse et à la variété des productions. La cuisine est locale, les aliments le sont également. Les grandes surfaces telles que nous les connaissons en Occident sont rares, et endémiques aux grandes villes… Mais mêmes dans ces endroits, à Tana notamment, le marché local prend place partout. Dans des espaces réservés mais aussi le long des trottoirs de toutes les rues ou presque.



Le marché couvert d'Ambohibao



Le rapport à la nature :

Il est difficile d’exiger d’une population qui galère vraiment à survivre (l’espérance de vie est de 50 ans en moyenne, une majorité de la population est analphabète, la mortalité infantile est très élevée, il n’y a pas de véritable système de santé…) qu’elle soit résolument attentive à son environnement. Ce devrait être aux autorités de subvenir aux besoins de la population mais, la piste est longue et accidentée si j’ose dire. En traversant l’ile en taxi brousse, je mettais mes mégots de cigarettes dans mon paquet entamé, en attendant de trouver une poubelle qui bien souvent ne se présentait que dans les chambres d’hôtel. Je n’ai pas vu une seule poubelle « municipale » dans les endroits ou j’ai déambulé… Je voyais les malgaches jeter leurs mégots incandescents par la vitres des véhicules, en pleine brousse aride, sèche, tellement sèche… Même traitement pour les bouteilles d’Eau Vive ou tout autre déchet…

En traversant le territoire malgache d’est en ouest, j’ai constaté l’aridité du climat et de la terre. Oui, tout pousse à Madagascar, mais pour combien de temps ? Je lisais avant de partir qu’il y a encore cent ans, 90% de l’île étaient recouverts de forêts… Combien aujourd’hui ? La culture par brûlis est une catastrophe, les sols s’assèchent, et la diversité endémique de l’île est semble-t-il en grand péril. Des pans entiers de forêt brûlent chaque jour pour la culture de céréales, ou pour l’exploitation du bois… la Chine exploite le bois de rose, l’acajou et le palissandre depuis que le gouvernement lui a cédé des millions d’hectares pour l’exploitation industrielle…




paysage de brousse, entre Tananarive (centre-est) et Majunga (cote ouest)






Village de brousse et montagnes pelées






Quelques arbres verts épargnés au bord des routes contrastent fortement avec l'aridité générale du paysage




Terre de contraste, à découvrir…vite !

S’entendre narrer l’histoire et expliquer la politique de ce pays par des malgaches résidents est passionnant, dans le sens enrageant de la passion. Une telle richesse, et pourtant un tel manque de considération apparent par les gouvernements successifs, et les institutions internationales qui tiennent encore le pays… C’est une terre de contrastes, entre la richesse de la rare élite malgache, chinoise et indienne et la pauvreté extrême de la majorité de la population, entre les 4×4 et les pousse-pousse, entre la générosité des habitants et ses manques évidents…

Personnellement, c’était mon premier voyage loin de ce que je dois appeler le cocon français. J’y retournerai, c’est certain, en espérant avoir l’occasion de découvrir le coté sauvage de Madagascar cette fois.

Ce que je retiendrai, de ce point de vue très ciblé de consommateur se devant d’être responsable, c’est que oui, encore aujourd’hui, ceux qui n’ont rien ou presque garde tout de même le coeur sur la main. Et lorsque l’on y est confronté, on a beau se dire que l’on ne manque pas d’humilité, on apprend à la renforcer.