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Filière bois : démêler le vrai du faux

Le 16/06/17 par Bernard Rolland

La filière du bois veut vendre du bois, de préférence à bon prix. Pour cette raison, elle déploie des trésors d’ingéniosité pour faire oublier que le bois, une fois sorti de la forêt, n’a pas forcément toutes les qualités qu’on lui prête, au-delà de son rôle de combustible plutôt polluant.

filière bois

La tempête de 1999 a laissé des traces dans le paysage, mais aussi dans les mémoires des acteurs de la filière bois. Compte tenu des quantités considérables de bois nécessitant d’être écoulées sur les marchés, les prix se sont alors effondrés, condamnant d’ailleurs certaines parcelles d’exploitation forestière à l’abandon. Faute de débouchés, les stocks se sont accumulés et ont, pour certains, pourri à l’air libre. Pour éviter qu’une telle situation se reproduise – les tempêtes n’étant pas rares, loin de là – la filière bois s’est employée à trouver de nouveaux débouchés, quitte à tordre quelque peu la réalité technique et écologique du bois.

La filière de bois : matériau de construction solide et « sain » …

Cela fait très certainement des millénaires que l’on construit des maisons ou des structures en bois. Mais l’observateur sourcilleux notera que seules les constructions en pierre ont survécu au passage des millénaires : les pyramides ne sont pas en bois…. Si le bois a des qualités, elles ne sont manifestement pas d’ordre mécanique : le bois vieillit mal et n’est pas très résistant.

Qu’il s’agisse des tempêtes, des tornades ou des tsunamis, les constructions en bois finissent généralement en copeaux d’allumettes. Le principal avantage du bois en construction, c’est qu’il s’agit d’un matériau commun, accessible, bon marché (exception faite de certaines essences de bois très recherchées et parfois sujettes à contrebande), facile à exploiter et à travailler.

Pour ses plus récents défenseurs, le bois a une autre qualité : ce serait un matériau sain, parce que naturel. C’est oublier un peu vite que nombre de réglementations se sont imposées aux constructeurs depuis quelques décennies. Si nous sommes encore libres de construire une cabane au fond du jardin avec quelques planches de bois bruts, il n’en va pas de même pour un bâtiment à usage d’habitation : colles d’assemblage, traitements chimiques contre les intempéries, protection contre les ennemis du bois (insectes et champignons principalement)… Le bois de construction est aujourd’hui massivement traité pour durer un peu plus longtemps qu’au naturel.

Il faut ajouter à cette liste à la Prévert les matériaux qui seront nécessaires pour faire d’un rondin de bois un mur d’habitation digne de ce nom : isolants thermiques, barrières phoniques, pare-vapeur… En résumé, le bois nécessite toute une cohorte d’adjuvants chimiques et d’aides mécaniques pour remplir son office de murs de construction… tout en restant susceptible de partir en fumée.

filière bois

Le bois, ça brûle

C’est là le seul point incontestablement vrai, et c’est utile dans une centrale biomasse, comme nous y reviendrons plus bas. Mais c’est quelque peu problématique en construction : la mode des constructions en bois est aujourd’hui pointée du doigt pour la légèreté avec laquelle sont traitées les questions relatives aux normes incendie.

Face aux risques d’embrasement de ce qui reste un combustible, les réponses des thuriféraires du bois sont là encore, pour l’essentiel, chimiques : massivement traités et sommairement ignifugés, les charpentes et structures en bois sont désormais censées ralentir la progression du feu. Mais ralentir un feu ne suffit pas à empêcher le bois de brûler en intégralité, bien souvent en seulement quelques dizaines de minutes.

Par ailleurs, bien avant qu’un éventuel incendie ne survienne, les occupants des lieux apprécieront certainement de vivre dans des pièces noyées sous les effluves chimiques des produits retardant (en plus de tous les autres traitements du bois).

Le bois est-il vraiment écologique?

Pour autant les qualités du bois comme combustible ont débouché sur une autre demi-vérité : se chauffer au bois serait écologique. Comme pour le reste, ce n’est pas entièrement faux, mais ce n’est pas totalement vrai non plus. Se chauffer au bois revient bien à utiliser pour la production de chaleur une énergie naturelle renouvelable. Mais rien de plus.

L’intérêt du bois, c’est qu’il s’agit en théorie d’une ressource illimitée, sous condition de renouvellement des forêts. Côté pollution, se chauffer du bois revient à… brûler du bois, et donc à rejeter dans l’atmosphère tout le CO2, patiemment absorbé dans ce qu’on nous définit par ailleurs comme un puits de carbone.

En termes de niveaux d’émissions de polluants divers, le bois fait jeu égal (voire pire) avec le charbon. « En comparaison aux centrales au charbon, pour produire la même quantité d’énergie, les centrales électriques à la biomasse forestière en Amérique du Nord émettent jusqu’à 150 % de plus de CO2, 400 % de plus de monoxyde de carbone irritant pour les poumons, et 200 % de plus de particules fines qui causent l’asthme« , explique un rapport de Greenpeace datant de 2011 intitulé De biomasse à biomascarade[source]http://www.greenpeace.org/canada/Global/canada/report/2011/10/Biomascarade%20Greenpeace.PDF[/source]. De là à parler d’énergie propre, il y a donc un pas. Lorsqu’on ajoute à cela la possibilité que le bois ne provienne pas de forêts durablement gérées, le bois devient une énergie tout sauf écologique.

Filière bois : pour conclure

le bois n’est écologique que lorsqu’il est vivant, en forêt. S’il est utile et souhaitable d’entretenir les forêts et de réutiliser les déchets de scieries ou tous les produits de travail du bois, voir dans le bois un matériau d’avenir ou une ressource énergétique susceptible de remplacer les énergies fossiles serait une erreur dramatique pour l’environnement, en plus de représenter certains dangers pour les constructions. Soutenir les filières bois nationales est une démarche louable, mais pas au prix de certaines distorsions de la réalité.

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